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18.
Inc. D. 74
Le
traicté des deux amans
cest assavoir Guisgard et la belle Sigismonde.
Rouen,
Jacques Le Forestier, Richard Goupil et Nicolas Mullot pour Thomas
Laisné, [vers 1510 ?]
Reliure
d’amateur en maroquin rouge du XVIIIe siècle, trois filets
d’encadrement, dos long. Prov. : Joseph-Antoine Crozat de Tugny
(1696-1751) (ex-libris ms. au v° du titre) ; duc de La Vallière
(vente, Paris, 1784, n° 3978).
Jeune veuve
et fille du prince de Salerne Tancrède, Sigismonde se languit à
la cour de son père. Ayant songé que « la chaleur / De son ardant
et embrasé desir / Ne se povoit departir sans l’umeur / D’ung tres
courtois et gracieux plaisir », elle s’éprend de Guiscard, bien
que celui-ci soit d’une naissance beaucoup plus basse. Par un passage
secret, elle l’introduit dans sa chambre : « Chascun des deux jouoit
à qui mieulx mieulx / On ne vit onques jouer si plaisans jeux. »
Mais « tant va souvent le pot à l’eaue qu’il brise » : Tancrède
surprend leurs ébats, ordonne d’arrêter et exécuter Guiscard et
fait porter son cœur dans une coupe d’or à Sigismonde. Celleci
décide de rejoindre son amant dans la mort et s’empoisonne après
avoir demandé à son père de l’ensevelir auprès de Guiscard. Tancrède,
rongé de remords et de désespoir, accomplit la dernière volonté
de sa fille.
On aura reconnu dans cette histoire la première des nouvelles de
la quatrième journée du Décaméron de Boccace, qui raconte
les amours tragiques de Ghismonda et Guiscardo et fut, avec le conte
de Griseldis, celle des nouvelles du Décaméron qui connut
la plus grande fortune. Comme pour Griseldis, son succès
se traduisit notamment par une circulation sous la forme d’un récit
autonome, détaché du recueil. Le Traicté des deux amans
n’est toutefois pas une traduction directe du texte de Boccace,
même si elle lui est très fidèle : il s’agit d’une traduction versifiée
faite au XVe siècle par un certain Jean de Fleury sur
une préalable traduction de l’original italien en prose latine,
composée en 1438 par le grand humaniste florentin Leonardo Bruni.
La version en vers de Jean de Fleury fit l’objet de deux éditions
successives à Paris en 1493, la première chez Antoine Vérard, la
seconde chez Pierre Le Caron. Une troisième édition parisienne parut
sans date, mais avant 1505, chez Michel Le Noir. L’édition rouennaise
que possédait le marquis de Méjanes, connue par cet unique exemplaire,
n’est pas non plus datée, mais l’association des deux noms de Jacques
Le Forestier et de Richard Goupil semble indiquer qu’elle date de
1510 environ, c’est-à-dire de la brève période où Goupil, après
avoir travaillé pour le compte de Le Forestier, venait de reprendre
sous son propre nom l’activité d’imprimerie que son maître lui avait
abandonnée un peu plus tôt.
•
Henri Hauvette, “Les plus anciennes traductions françaises de
Boccace : nouvelles extraites du Décaméron”, Bulletin
italien, 9 (1909), p. 1-26, aux p. 9-13 ; Répertoire
bibliographique des livres imprimés en France au seizième siècle,
t. 8, Baden Baden, 1971, p. 23, n° 13.
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