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46.
Rés. S. 191
Giordano Bruno

Spaccio della bestia trionfante, proposto da Giove, effettuato dal conseglo, revelato da Mercurio, recitato da Sophia, udito da Saulino, registrato dal Nolano…
Stampato in Parigi [i. e. Londres, John Charlewood], 1584
Reliure de l’atelier de Derome, vers 1760, en maroquin citron à décor à répétition mosaïqué en maroquin rouge et vert, gardes en tabis bleu. Prov. : Paul Girardot de Préfond (ex-libris et vente, Paris, 1757, n° 166) ; Louis-Jean Gaignat (vente, Paris, 1769, n° 623) ; comte de Lauraguais (ex-libris et vente, Paris, 1770, n° 111) ; duc de La Vallière (vente, Paris, 1784, n° 974).

Bruno poursuit avec les trois dialogues qui composent le Spaccio della bestia trionfante ou « Expulsion de la bête triomphante » son entreprise de refondation générale de la philosophie (« rinovar l’antica philosophia », comme le dit Theophilo dans le premier dialogue de La Cena de le Ceneri) en élargissant son point de vue au domaine de l’éthique : il appelle à une réforme profonde de l’ordre des valeurs morales et des normes juridiques et politiques. La vision politique qu’il propose dans le Spaccio n’est d’ailleurs pas étrangère aux liens de sympathie qu’il avait noués un peu plus tôt, durant son séjour à Paris, avec le milieu des « Politiques », hostiles à l’assujettissement de l’autorité civile à quelque forme que ce soit d’appartenance religieuse – la « besta trionfante » n’étant sans doute autre, sous la plume toujours polémique de Bruno, que le pape Grégoire XIII, qui appuyait de toute son autorité la formation de la Ligue et, se défiant du roi Henri III, favorisait les visées de la famille de Guise sur la couronne de France.
Debure, dans sa Bibliographie instructive, décrivait ainsi le Spaccio : « Ouvrage très rare de Jordanus Brunus, et très recherché des curieux : il renferme un traité extrêmement impie, et qui fut supprimé avec une si grande exactitude, qu’il ne nous en est resté que très peu d’exemplaires, dont la valeur est actuellement très considérable. Il n’est cependant pas à présent tout à fait si rare qu’autrefois, que l’on n’en connoissoit aucun exemplaire dans le commerce, et que les curieux étoient pour lors obligés de se contenter des copies manuscrites, qui étoient encore fort rares, et que l’on payoit même un prix assez considérable. Depuis quelques années les curieux ayant fait chercher ce volume avec soin dans tous les pays, sont venus à bout d’en découvrir six ou sept exemplaires, qui sont actuellement dans le commerce des lettres. » L’enquête menée en vue de l’exposition Giordano Bruno organisée à la Biblioteca Casanatense de Rome en 2000 a permis de dénombrer en réalité vingt-neuf exemplaires du Spaccio della bestia trionfante. Celui du marquis de Méjanes, qui avait figuré auparavant dans quelques-unes des plus prestigieuses collections du XVIIIe siècle, fut relié vers 1760 pour Louis-Jean Gaignat par l’atelier de Derome, comme son exemplaire de La Cena de le Ceneri. La reliure en maroquin rouge qui recouvrait le volume dans le cabinet de Girardot de Préfond a été remplacée par un luxueux décor « à répétition », où la surface du maroquin citron est animée par la répétition d’un même motif consistant en une fleur à quatre pétales en maroquin vert et cœur en maroquin rouge disposée entre deux petits ovales en maroquin rouge.

• Louis-Marie Michon, Les reliures mosaïquées du XVIIIe siècle, Paris, 1956, p. 66, n° 59 et p. 111, n° 59 ; Rita Sturlese, Bibliografia, censimento e storia delle antiche stampe di Giordano Bruno, Florence, 1987, p. 61, n° 1.