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53.
Rés. D. 487
Vita
et gesta Karoli Magni
Cologne, Johannes Soter, 1521 ; Gesta
Karoli Magni
Francorum regis. [Poitiers], Jehan
Bouyer et Guillaume Bouchet, [1495] ;
Militia
Francorum regum pro re Christiana ad magnum Franciæ cancellarium
Anto. Pratum,
Paris, Josse Bade, 1518 ;
Hieronymus Gebvilerius
Libertas
Germaniæ…
Strasbourg, Johannes Scotus, 1519
Reliure lyonnaise en veau brun, armes dans un chapeau
de triomphe au centre des plats, targe formée d’accolades et fleurons
d’angle anciennement argentés, filets d’encadrement et de bordure
estampés à froid. Prov. : Benoît Le Court (avec mention d’achat
de sa main “Emptus XIX solz” au contreplat supérieur et, copié également
de sa main sur la première garde, un poème en latin signé Paradin,
daté 1563 et adressé à Étienne Charpin).
Bien qu’assez
mal connu, le juriste et lettré Benoît Le Court (1494-1555) fut
l’une des grandes figures du milieu humaniste lyonnais dans la première
moitié du XVIe siècle. Le poète néo-latin Jean Visagier
(Vulteius) a ainsi cité son nom dans l’épître dédicatoire du troisième
livre de ses Epigrammata en 1537 au nombre des lettrés
et amateurs d’antiquités lyonnais qui avaient coutume de se retrouver
aux portes de Lyon, dans des réunions animées par l’esprit antique
du « loisir lettré » – témoignage qui donna lieu plus tard au mythe
d’une « académie de Fourvière » dont Le Court aurait été l’un des
membres, bien qu’une telle « académie » n’ait jamais eu de réalité
institutionnelle et que ses « séances » n’aient jamais excédé le
cadre informel de conversations entre amis.
Le Court avait réuni une bibliothèque importante, en grande partie
dispersée peu après sa mort. Comme l’a écrit Jean Toulet, « ses
volumes sont reliés en veau brun, d’une manière à la fois robuste
et soignée, avec une tendance archaïsante perceptible dans l’emploi
d’ais au lieu de cartons pour les plats, dans les fortes coutures
sur nerfs, dans l’estampage à froid ». Mais ces éléments de tradition
se conjuguent paradoxalement à d’autres traits témoignant au contraire
d’une certaine modernité : recours à l’estampage à chaud pour produire
un décor doré ou argenté, utilisation de fers manifestement dérivés
de ceux qu’employaient à la même époque les plus grands ateliers
parisiens, reprise occasionnelle de schémas décoratifs à la mode
comme celui consistant à orner les plats d’une composition en forme
de targe obtenue par des « jeux d’accolades analogues à ceux que
l’on trouve sur les reliures exécutées pour François Ier
ou Jean Grolier vers 1535-1540 » (J. Toulet).
Un dernier élément de nouveauté consiste à frapper les armes du
possesseur au centre des plats. Le petit écu aux trois molettes
de Le Court est en outre entouré parfois d’un chapeau de triomphe
(c’est-à-dire une guirlande végétale formant couronne), motif emprunté
à la grammaire décorative de la Renaissance italienne et qu’on retrouve
à la même époque chez d’autres amateurs lyonnais, tels Gabrielle
de Gadagne ou l’amateur non identifié pour qui furent réalisées
les premières reliures françaises à plaquettes (voir ci-dessous
l’exemplaire du commentaire de Pline par Francesco Massaria). Il
est d’ailleurs possible que les reliures de Le Court proviennent
de l’atelier lyonnais auquel on a attribué ces reliures à plaquettes,
désigné par Denise Gid comme « l’atelier au compas » : les armes
de Le Court sont en effet généralement entourées de cercles tracés
par un compas dont la pointe reste nettement visible au centre des
plats, ce qui est, selon D. Gid, une marque de facture caractéristique
de cet atelier.
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Eugène Vial, “La légende de l’académie de Fourvière”, Bibliothèque
d’Humanisme et Renaissance, 8 (1946), p. 253-266 ; E. P.
Goldschmidt, Gothic and Renaissance Bookbindings, Londres,
1928, p. 278-279 et pl. LXXVI ; Jean Toulet, “L’école lyonnaise
de reliure”, dans Le siècle d’or de l’imprimerie lyonnaise,
Paris, 1972, p. 131-158, aux p. 147-148 ; Denise Gid, “Un atelier
lyonnais vers 1550 : l’atelier au compas”, dans De libris
compactis, éd. par Georges Colin, Bruxelles, 1984, p. 117-131.
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