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63.
Rés. D. 498

Traicté des causes et raisons de la prise des armes faicte en janvier 1589. Et des moyens pour appaiser noz presentes afflictions.
S. l., 1590
Reliure en maroquin bleu nuit, dos à nerfs alternant compartiments en maroquin rouge et en maroquin bleu nuit, trois filets d’encadrement, W couronné au centre
des plats et non couronné aux angles des plats ainsi qu’aux entrenerfs, dentelle intérieure, tranches dorées. Prov. : Jean Ballesdens (ex-libris ms. au titre) ; Antoine Leriche (ex-libris ms. au titre) ; René François de La Vieuville.

Commentaires 63 et 64 identiques

À la différence de son frère Jean, bailli de l’ordre de Malte, qui a souvent fait frapper ses livres à ses armes, le marquis René François de La Vieuville ne semble pas avoir utilisé de bloc héraldique pour marquer les volumes de son cabinet. C’est en revanche son propre nom qu’il faisait porter sur les reliures, soit par la mention en toutes lettres « Livres de la bibliothèque de Mr le marquis de La Vieuville », soit, plus fréquemment, par l’utilisation de deux V accolés qu’il faut comprendre comme l’initiale répétée des deux syllabes du nom de Vieuville. On connaît ainsi un exemple de reliure où le W formé par l’accolement des deux V est utilisé en semé, en composition avec les initiales R et F du prénom du marquis (Paris, bibliothèque de l’Arsenal, Fol. H. 2188 Rés.). Cet exemple reste néanmoins exceptionnel : plus couramment, le marquis se contentait d’employer le seul W, en adoptant deux types de décor relativement simples. L’un consistait à inscrire ce chiffre, surmonté d’une couronne, au dos des volumes, au centre de petites rosaces entourées de feuillages, en laissant les plats vierges de toute marque de possession, l’autre à frapper le W couronné au centre des plats et à le répéter, sans la couronne, aux angles de ces mêmes plats et dans les entrenerfs du dos, alternativement faits de maroquin rouge et de maroquin bleu.
C’est ce second parti qui a été adopté pour les deux reliures au chiffre du marquis de La Vieuville passées dans la collection de Méjanes. Le choix de l’un ou l’autre parti ne semble d’ailleurs pas répondre à une logique clairement identifiable : les deux types de reliure se rencontrent indifféremment sur des livres appartenant aux mêmes catégories bibliographiques – ainsi des livres relatifs aux épisodes militaires des guerres de Religion, dont relèvent les deux volumes de la bibliothèque Méjanes. Peut-être la différence tient-elle simplement à des époques successives dans l’histoire du cabinet de La Vieuville, la série aux plats marqués du chiffre du marquis correspondant notamment à l’époque où celui-ci a acquis des livres provenant de la collection d’un des autres grands « curieux » parisiens de la fin du XVIIe siècle, Antoine Leriche (1643-1715). Car il est intéressant de noter que seuls des exemplaires ainsi reliés présentent sur la page de titre, pour un nombre non négligeable d’entre eux, l’ex-libris manuscrit de ce dernier – que des revers financiers sur la fin de sa vie avaient très probablement amené à se séparer de ses pièces de valeur. D’après l’image qu’on peut s’en faire à partir des restes qui nous en sont parvenus, la bibliothèque de Leriche comprenait une importante section de livres relatifs aux guerres de Religion, en même temps qu’un certain nombre de volumes portant l’ex-libris de Jean Ballesdens, à l’exemple du Traicté des causes et raisons de la prise des armes faicte en janvier 1589. Ce sont de tels détails qui incitent à voir dans la dispersion du cabinet formé par Ballesdens, en 1675, un événement fondateur dans l’histoire française de la bibliophilie : la richesse de ce cabinet s’est transformée en héritage auquel plusieurs générations d’amateurs devaient ensuite puiser en collectionnant à leur tour les mêmes livres ou types de livres. Ainsi commencent à se constituer les premières chaînes de provenances qui, comme celle qui conduit de Ballesdens à Méjanes en passant par Leriche et La Vieuville, arrachent la notion de curiosité en matière de livres à l’idée d’une singularité subjective et, ce faisant, superposent à la pratique de la collection une mémoire bibliophilique.

• Isabelle de Conihout & Pascal Ract-Madoux, Reliures françaises du XVIIe siècle : chefs-d’œuvre du Musée Condé : grands décors (1615-1665) et reliures pour les curieux (1690-1710), Chantilly, Paris, 2002, p. 78-81.

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