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69.
Rés. D. 521
[Antonio Pigafetta]

Le voyage & navigation, faict par les Espaignolz es isles des Mollucques. Des isles qu’ilz ont trouvé audict voyage, des Roys d’icelles, de leur gouvernement & maniere de vivre, avec plusieurs aultres choses.
Paris, Simon de Colines, [vers 1526]
Reliure d’amateur de la seconde moitié du XVIIIe siècle, en veau blond glacé, dos long, réalisée pour le duc de La Vallière. Prov. : Jehan Campion en 1537 ; André Thevet en 1553 ; collège des Jésuites à Paris ; duc de La Vallière (vente, Paris, 1784, n° 4538).

Après un premier voyage aux Indes orientales effectué sous la bannière du roi Manuel de Portugal en 1505-1513, Magellan entra au service de Charles Quint et, avec l’appui de la banque Fugger, prit en 1518 le commandement d’une flotte de cinq vaisseaux, le Trinidad, le San António, le Concepcion, le Vittoria et le Santiago. 237 hommes s’embarquaient avec lui. Leur intention était de gagner par l’ouest les îles Moluques, renommées pour leurs épices, en contournant le continent américain par sa pointe méridionale. La flotte quitta Séville le 10 août 1519 et, à la suite de drames de toutes sortes (défections et mutineries, tempêtes et naufrages, disettes, épidémies, combats contre les indigènes, trahisons d’alliances), elle revint décimée en Europe trois ans plus tard : le 6 septembre 1522, seul vaisseau rescapé du voyage, le Vittoria entrait dans le port andalou de Sanlúcar avec à son bord dix-huit hommes seulement, sous le commandement de Juan Sebastian del Cano. Magellan était mort le 27 avril 1521, tué dans un combat à Cébu, dans l’archipel des Philippines. Ainsi se concluait le premier voyage de circumnavigation de toute l’histoire de l’humanité. L’épopée des grandes découvertes ressemblait d’abord à une équipée sauvage.
Cette histoire est extrêmement célèbre. Elle fut initialement publiée en latin à Cologne et à Rome en 1523, dans un petit texte intitulé De Moluccis insulis dû à Maximilien de Transylvanie, fils naturel de l’archevêque de Salzbourg qui s’était informé du voyage de Magellan auprès de del Cano et des quelques survivants de l’expédition. Mais la première relation directement rédigée par l’un des acteurs des événements est celle d’Antonio Pigafetta, gentilhomme italien originaire de Vicence qui tint à bord un journal connu aujourd’hui par quatre manuscrits. Pigafetta lui-même, reçu à la cour de France, en remit une copie à Louise de Savoie, la mère de François Ier. Ainsi s’explique que l’édition originale de son récit – version abrégée du journal, dont l’intégralité ne fut éditée que très tardivement – ait été publiée à Paris, en traduction française, vers 1526 : il n’y eut d’édition dans la langue originale italienne que dix ans plus tard, à Venise en 1536. L’exemplaire de l’édition originale conservé à la bibliothèque Méjanes a appartenu au XVIe siècle au géographe André Thevet (1502-1590), qui a inscrit son ex-libris sur la page de titre en l’accompagnant de la date – peut-être fictive – de 1553. Bien que Thevet se soit inspiré de Pigafetta pour décrire les géants mythiques de la Patagonie dans sa Cosmographie universelle de 1575, il semble qu’il se soit servi pour cela non pas de l’édition en français, mais de la version italienne publiée plus tard dans le recueil des Navigationi et viaggi de Giovanni Battista Ramusio (Venise, 1550- 1559). En revanche Thevet a utilisé l’édition parisienne en lisant dans la relation de Pigafetta un itinéraire de navigation plutôt qu’un récit de voyage : ses assez nombreuses notes manuscrites portées dans les marges du volume relèvent surtout la mention d’îles et indiquent que l’exemplaire lui servait à préparer son Grand insulaire, vaste entreprise de cartographie maritime et couronnement de sa carrière de « cosmographe du roi » que la mort ne lui permit pas d’achever.

• Raymond Jean Howgego, Encyclopedia of exploration to 1800, Potts Point, 2003, p. 663-666 ; Philippe Renouard, Bibliographie des éditions de Simon de Colines 1520-1546, Paris, 1894, p. 421-422 ; Frank Lestringant, “La flèche du Patagon ou la preuve des lointains. Sur un chapitre d’André Thevet”, dans Voyager à la Renaissance, sous la dir. de Jean Céard et Jean-Claude Margolin, Paris, 1987, p. 467-496 ; Id., André Thevet cosmographe des derniers Valois, Genève, 1991, p. 43, 181, 397.

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