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70.
Rés. Q. 181
Le triumphe d’Anvers faict en la reception du prince Philipes,
prince d’Espaigne…
Anvers, Pierre Coeck, 1550
Prov. : Mugnier ; Hugues Sambin ; acheté par
le marquis de Méjanes à un libraire de Chalon-sur-Saône.
L’une des caractéristiques
du livre commémorant l’entrée que le prince Philippe, futur Philippe
II d’Espagne, fit à Anvers en 1550, est d’intégrer des données techniques
et matérielles à la célébration de la somptuosité princière : non
seulement, à la fin du volume, une sorte de feuillet de « générique
» précise que les préparatifs de la fête ont nécessité la collaboration
de 895 charpentiers, 234 peintres et 498 « aultres ouvriers », mais,
à l’intérieur même du livret, les figures gravées sur bois des arcs
de triomphe et autres architectures éphémères érigés pour l’occasion
sont accompagnées d’échelles de grandeur et, pour bon nombre d’entre
elles, de plans et de coupes au lieu du pur reportage iconographique
qu’aurait plus classiquement procuré une simple vue frontale des
édifices. Par ce souci d’information technique, ce livre d’entrée
se donne en même temps comme un petit traité d’architecture par
l’exemple. C’est sans doute cette particularité qui explique qu’Hugues
Sambin, l’un des grands maîtres du décor dans la France de la seconde
moitié du XVIe siècle, s’en soit porté acquéreur, ainsi
qu’en témoigne sur la page de titre son ex-libris inscrit sous la
forme « Huguet Sambin », unique exemple connu à ce jour de cette
provenance illustre.
Né dans la ville franc-comtoise de Gray, probablement dans les années
1520, Sambin était de son état menuisier, comme son père. En 1544,
sa présence est attestée sur le grand chantier royal de Fontainebleau,
dans la terre d’élection d’un style maniériste qui le marquera très
profondément. Installé en 1547 à Dijon – où il mourut en 1601, mais
sans y avoir continûment résidé –, il manifesta rapidement des talents
plus étendus que ceux du seul menuisier et s’imposa comme un concepteur
de décors, ce qui l’amena à signer de l’ambitieux titre d’« architecteur
» son Œuvre de la diversité des termes, recueil de
figures de cariatides publié à Lyon en 1572. On sait au demeurant
qu’en plus des bâtiments publics et hôtels privés dont il conçut
les façades, en particulier à Dijon et à Besançon, il participa
à la création de plusieurs décors d’entrées princières à Dijon :
celle du roi Henri II en 1548, celle du duc d’Aumale en 1550 et,
surtout, celle du roi Charles IX en 1564, pour laquelle il fut nommé
« superintendant et conducteur » des travaux. La charge supposait
d’allier science de l’architecture et sens du spectacle, ces qualités
mêmes que le livre de l’entrée du prince Philippe à Anvers conjoignait
idéalement.
•
Henri Giroux, “Essai sur la vie et l’œuvre dijonnaise d’Hugues
Sambin”, Mémoires de la Commission des Antiquités du département
de la Côte-d’Or, 32 (1980-1981), p. 361-413 ; Hugues Sambin,
vers 1520-1601, catalogue de l’exposition du Musée des Beaux-Arts
de Dijon, Dijon, 1989 ; Hugues Sambin, un créateur au XVIe
siècle (vers 1520-1601), Paris, 2001.
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