Camus
Nobel 57 l'homme et l'artiste, 2005
Correspondance adressée
à Camus par les lecteurs, extraits :
Aix, 22 octobre (d’une
femme de ménage à Sainte-Eutrope) :
Quand vous serez las des honneurs et des charges qu'ils comportent,
pensez pour y trouver réconfort à votre tour, à
tous ceux, dont je suis, que votre oeuvre a aidés.
Draguignan, 28 octobre :
Merci, merci cher Monsieur Camus pour votre loyauté, votre courage,
et votre Amour des hommes. Vous faites réfléchir, comprendre,
aimer.
Paris, 23 octobre :
Votre oeuvre est un dialogue, très retenue, certes ; et c'est
avec la retenue de la sincérité qu'elle me permet de vous
féliciter. Et puis quel bonheur que vous soyez le premier prix
Nobel français auquel on songe, tourné vers l'avenir.
Bruxelles, 18 octobre :
De grâce, restez le témoin véhément de votre
foi dans la beauté du monde. Restez, à la pointe de ce
« combat perpétuel » où nous sommes des milliers
à vos côtés ; ne nous abandonnez pas !
Boulogne, 14 novembre :
Il me faudrait votre talent pour vous donner une idée de la qualité
des messages que nous avons perçus par vous. Nous autres, réfugiés
espagnols, avons dû aussi lutter contre la tentation de la haine.
Vous nous avez aidés à la vaincre.
Lyon, sans date :
Croyez qu'ils sont nombreux loin de Paris ceux qui se réjouissent,
applaudissent : il n'y a plus "Le Malentendu", il
y a "Les Justes" à Stockholm.
Lausanne, sans date :
Laissez-moi simplement vous écrire la joie de vos amis inconnus.
Ils sont unanimes et savent d'avance que vous êtes un des rares
dont on peut être sûr que l'honneur qui vous tombe des brumes
nordiques n'altèrera jamais la ligne que vous vous êtes
fixée.
17. 18 octobre :
Tu étais un goal agile et tes arrêts fulgurants, dommage
que tu n'as pas persisté dans cette voie. Tu étais le
plus petit, et te voilà le plus grand. Tous ne t'écriront
peut-être pas, mais je suis sûr qu'ils ressentent comme
moi, la fierté d'être algériens et d'avoir été
tes condisciples.
Suisse, 20 octobre :
C'est un honneur pour la France et l'Algérie déchirée
d'avoir un artiste qui porte bien haut une conscience et une morale
que les représentants officiels servent si mal. Au-delà
du bruissement des éloges, votre pensée doit avoir rejoint,
à Alger, une mère âgée qui ignore certainement
ce qu'est le prix Nobel, mais dont la patience et la silencieuse tendresse
sont à la source de votre oeuvre.
Paris, 21 octobre, deux anciens
ouvriers de composition à Combat :
Nous avons eu le plaisir de travailler avec toi au marbre, de la libération
jusqu'à ton départ (qui fut regretté de tous) qui
ont apprécié tes qualités humaines et ta sincérité
dans toutes les circonstances. Nous venons te féliciter de tout
coeur pour la haute récompense que tu viens d'obtenir.
Vanves. 23 octobre :
Ce jeudi soir, je boirai donc une bouteille de Julienas en pensant à
vous. Mais l'essentiel est que soient célébrés
les rares moments où les amis sont à leur place dans le
mouvement du monde.
Barcelone, 20 octobre :
Ces Maître Livres que sont La peste, L'homme révolté,
Les Justes et La chute, qui étaient déjà
si proches de notre coeur, et où nous puisions des raisons de
croire et d'espérer, sont devenus les bréviaires d'un
humanisme moderne. Votre maîtrise en fait s'exerce sur les coeurs
et les esprits de millions d'hommes épris de justice et qui ne
veulent pas désespérer de l'humanité.
Paris, 17 octobre :
Pas d'accord avec Henriot, qui trouve votre Chute moins bien
que le reste : c'est votre meilleur vaccin contre la gloire. Bonne chance.
Soyez Pascal et Montaigne ! Votre oeuvre est un excellent moyen de lutte
contre l'ignorance et c'est ce dont nous avons tous besoin.
Courbevoie, sans date :
Il vous échoit un honneur redoutable. Je souhaite alors que vous
restiez vous-même et d'abord un Africain.
Aix, 1 mars 1958 :
Je n'ai pu lire encore dans sa totalité les Discours de Suède
que vous me faites l'amitié de m'envoyer. Je ne suis, quant à
moi, en rien un artiste, mais je pense que vous exprimez là ce
que toute vie doit tenter de réaliser, si modeste soit sa sphère.