Octobre
2007. L’écrivain nigérian
Wole Soyinka est à Aix-en-Provence… Longue chaîne
de fidélités : La Maison et le Monde
est d’abord en 1915 un roman de l’Indien Rabindranâth
Tagore qui décrit, dans le Bengale colonie britannique,
la prise de conscience sociale et nationale comme processus puissamment
dramatique. La Maison et le Monde est
en 1984 le film que l’immense réalisateur indien
Satyajit Ray en a tiré. C’est – déjà
en 1991 – le titre de la Fête du Livre consacrée
à ces géants de la littérature et du cinéma.
Affrontement entre l’intime et le solennel, entre le profond
et le superficiel, entre le dedans et le dehors. Affrontement
de l’homme libre à la privation de sa personnalité.
Chez Wole Soyinka, la maison en pays yoruba naît du monde
qu’est le Nigeria, ce géant d’Afrique qu’enfantent
les douleurs et les espérances. Douleurs d’hier.
La traite négrière lui a enlevé des fils.
Plaintes et luttes d’esclaves dont l’écho –
lors de la Fête du livre en 2001 – a rugi de l’autre
rive de l’océan dans l’œuvre de Toni Morrison…
Une puissance impériale, la Grande-Bretagne – et
une autre, non loin, la France – plie l’Afrique pour
longtemps au nom du colonialisme. Depuis 1960, le Nigeria indépendant
s’édifie en nation riche de plusieurs langues, de
plusieurs religions, de plusieurs réalités sociales,
de plusieurs cultures autour du delta du grand fleuve.
Face à ce défi formidable, Wole Soyinka s’inscrit
sans emphase avec la forte conscience de ses origines et la permanence
de son combat. Dans ses romans, sa poésie et son théâtre,
il dit – en langue anglaise savamment mêlée
de yoruba – sa maison, son père, sa mère,
les traditions, les milieux coloniaux, la corruption et les oppressions
d’aujourd’hui, la modernité dantesque des villes
et des routes. Il dit les itinéraires du monde qui vont
d’hier à aujourd’hui et demain, les exils et
les retours, d’une Afrique douloureuse à une Afrique
responsable, dans la dénonciation – véhémente
mais optimiste – des fautes et des crimes, dans l’affirmation
des grandeurs, sans fanfaronnade et sans faiblesse.
Les
Écritures Croisées
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