La Poétique, 1910
La Doctrine de l’amour
Entre 1879 et 1881, Germain Nouveau compose un recueil de vers religieux, aujourd’hui connu sous le titre La Doctrine de l’amour.
Vers qu’il renieras plus tard les jugeant théologiquement trop faibles.
En 1904, à l’insu de Germain Nouveau, Léonce de Larmandie, son ancien collègue au Ministère de l’Instruction publique publie La Doctrine de l’amour. Il réitère en 1910 une édition sous le titre Poèmes d’Humilis.
Après la mort de Nouveau, Ernest Delahaye édite à son tour ces texte en 1924, sous le titre Poésies d’Humilis et vers inédits.
Le contenu de ces éditions successives est des plus incertain. Quelle est la part de Germain Nouveau, quelle est celle de Léonce de Larmandie ? En 1910, lorsqu’il apprend l’existence du volume paru en 1904, Nouveau écrit à Léonce de Larmandie : « Comment se reconnaître dans ce fatras de vers […] ? Vous me faites dire ce que vous voulez là-dedans ! »
Pour P.-O. Walzer (responsable de l’édition des Œuvres complètes dans la « Bibliothèque de la Pléiade »), « le seul but poursuivi par Léonce de Larmandie en cette affaire était de sauver, fût-ce contre la volonté de l’auteur, un évident chef-d’œuvre de notre poésie »...
Germain Nouveau réside à l’hôtel Saint-Joseph, endroit fréquenté par des prêtres (place Saint-Sulpice, Paris, 6e arr.) à l’époque où il rédige les vers de La Doctrine de l’amour. Il fréquente la Bibliothèque Cardinal qui se trouve sur la même place.
Germain Nouveau demande à son ami, le journaliste et écrivain Camille de Sainte-Croix, de lui faire parvenir, par l’intermédiaire du peintre et poète Léon Dierx, le manuscrit de La Doctrine de l’amour dont il a besoin – et dont on sait qu’il a été dépossédé depuis plusieurs années (il annonçait à sa sœur en 1892 en avoir « fait son deuil »).
Cette édition de La Doctrine de l’amour est publiée à l’insu de Germain Nouveau par Léonce de Larmandie. Ce dernier, qui prétend avoir mémorisé les textes après que Nouveau lui a demandé de détruire la copie qu’il possédait, dit avoir « trié respectueusement les saphirs et les perles, les rubis et les émeraudes, mêlés à l’argile et à la poussière », ne publiant que 1 800 des 3 000 vers que contenait le recueil. Travail d’« orfèvre » que Germain Nouveau n’a pas du tout apprécié.
Les surréalistes sont les premiers à avoir mis Germain Nouveau en avant. Cet exemplaire est celui de Paul Éluard (1895-1952) et porte son ex-libris, un oiseau dessiné par Max Ernst accompagné de la devise : « Après moi le sommeil ».
Léonce de Larmandie récidive avec une édition beaucoup plus luxueuse que celle de 1904. Vendue par souscription et illustrée par Auguste Rodin, elle est soutenue par un « Comité Humilis » composé notamment d’académiciens et de membres de l’Institut de France cependant que Germain Nouveau mendie à Aix.
Voir un autre exemplaire numérisé intégralement (Bibliothèque nationale de France) :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/b...
Cet exemplaire est celui d’André Breton (1896-1966) et porte son ex-libris dessiné par Salvador Dalí : une sorte d’animal couvert de fourmis. On y lit : « André Breton le Tamanoir » ; le dessin représente aussi un profil humain.
Ernest Delahaye tente de dissuader Germain Nouveau de déposer une plainte contre Léonce de Larmandie, qui a publié à son insu Savoir aimer (1904) et Poèmes d’Humilis (1910) :
« Ce serait […] une grande erreur de ta part, puisque le bénéfice de cette édition […] t’est réservé ».
« Je t’apprends que je viens de déposer une plainte contre Société des Poètes Français [sous les auspices de laquelle avait paru Savoir Aimer], en détournement d’écrit, abus de confiance, publication d’imprimé. »
Quant à l’édition de 1910 des Poèmes d’Humilis, il est possible que Germain Nouveau n’en ait jamais eu connaissance.