Florilège
Sans verte étoile au ciel, ni nébuleuse blanche,
Sur je ne sais quel Styx morne, au centre de l’O
Magnifique qui vibre autour de lui sur l’eau,
Mélancoliquement mon esprit fait la planche.
Envoi à Stéphane Mallarmé (Premiers vers)
J’aimais vos yeux, où sans effroi
Battent les ailes de votre Âme,
La Rencontre (Valentines)
Baiser d’amour qui règne et sonne
Au coeur battant à se briser,
Qu’il se refuse ou qu’il se donne,
Je veux mourir de ce baiser.
Le Baiser (Valentines)
Je ne suis pas un prêtre arrachant au plaisir,
Un peuple qu’il relève ;
Je ne suis qu’un rêveur et je n’ai un désir :
Dire ce que je rêve...
Cantique à la reine (La Doctrine de l’amour)
Je suis un fou, quel avantage,
Madame ! un fou, songez-y bien,
Peut crier... se tromper d’étage, Vous proposer... le mariage,
On ne lui dira jamais rien (…)
Mais, je ne suis qu’un fou ; je danse,
Je tambourine avec mes doigts Sur la vitre de l’existence.
Qu’on excuse mon insistance,
C’est un fou qu’il faut que je sois !…
Fou (Valentines)
Du temps où nous étions ensemble,
N’ayant rien à nous refuser,
Docile à mon désir qui tremble,
Ne m’as-tu pas, dans un baiser,
Ne m’as-tu pas donné ton âme ?
Or le baiser s’est envolé,
Mais l’âme est toujours là, Madame ;
Soyez certaine que je l’ai.
L’Âme (Valentines)
A midi, le soleil silencieux qui tombe,
Grave, comme un chat d’or s’allonge sur la tombe
Dont la blancheur brûle, éclatant
Parmi l’argile rose ou les avoines folles,
Mors et Vita
Et si nous, les fous de Bicêtre, Nous
avions fait notre devoir,
Le devoir dicté par son prêtre, Nous
serions au parloir peut-être, Ce ne
serait pas ce parloir.
Sans le diable qui nous malmène,
Nul, avec les yeux de son corps,
N’aurait vu ma figure humaine Dans
la cour où je me promène
Et dans le dortoir où je dors.
Aux Saints (écrit à Bicêtre en 1891)
J’ai suivi dans la nuit le rayon d’une étoile
Et mes yeux ont vu luire, humble et jouant la voile,
Aux champs lointains si bleus qu’ils font croire à la mer
La maison comme un point, et, répandu dans l’air
Doré, tout le village aux pieds du clocher mince…
La Maison
Nous habiterons un discret boudoir,
Toujours saturé d’une odeur divine,
Ne laissant entrer, comme on le devine,
Qu’un jour faible et doux ressemblant au soir.
Sonnet d’été
C’est l’aube toute divine
Et la plage violette,
Avec des voiles en fête
Au ciel tel qu’une marine.
Ciels
C’est l’heure froide où dorment les vipères,
L’heure où l’amour s’épeure au fond du nid,
Où s’élabore en secret l’aconit ;
Où l’être qui garde une chère offense,
Se sentant seul et loin des hommes, pense
En forêt
Un vieux clocher coiffé de fer sur la colline.
Des fenêtres sans cris, sous des toits sans oiseaux.
D’un barbaresque Azur la paix du Ciel s’incline.
Soleil dur ! Mort de l’ombre ! Et Silence des Eaux.
Pourrières