Premiers vers
(1872-1879)
Muni d’un petit héritage, Germain Nouveau arrive à Paris en 1872 et fait ses débuts littéraires dans les milieux artistiques d’avant-garde, entre Parnasse et Symbolisme.
Seule une partie de ses écrits de cette époque nous est connue.
Cette période de « bohème » parisienne est celle où la vie sociale du jeune Germain Nouveau est la plus intense. Il se lie avec des poètes comme Jean Richepin, Raoul Ponchon, Maurice Bouchor ou Léon Valade. Il dessine, peint, participe à des projets théâtraux et publie dans des revues littéraires.
Le Coin de table évoque le Paris que Nouveau découvre en arrivant de Provence (de gauche à droite, assis : Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Léon Valade, Ernest d’Hervilly, Camille Pelletan ; debout : Pierre Elzéar, Émile Blémont, Jean Aicard). Tous collaborent à La Renaissance littéraire et artistique. Ce tableau est exécuté précisément en 1872. Nouveau aurait pu y figurer s’il était arrivé quelques mois plus tôt à Paris !
Cette photographie, qui constitue le portrait le plus connu de Germain Nouveau, a été prise par Étienne Carjat, vraisemblablement en 1873.
Sonnet d’été est le premier poème de Germain Nouveau publié dans une revue parisienne, La Renaissance littéraire et artistique, dirigée par Émile Blémont. Germain Nouveau le signe d’un de ses nombreux pseudonymes, « P. Néouvielle ».
Voir le fascicule numérisé intégralement (Bibliothèque nationale de France) :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/b...
Midi. C’est dans la cour est le plus ancien manuscrit conservé de Germain Nouveau :
Midi. C’est dans la cour ; j’écris : un fumier glousseUn chien jappe, un frelon rit, deux scieurs de longFont un grincement brun sous un grincement blond :Et c’est une harmonie étrange, et pourtant douce.Ce matin, - mes souliers ont encore verts de mousse -j’ai couru par le bois en déclamant Villon ;Et j’ai vu des terreurs blanches de papillonPour la coiffe trouée et pour ma pipe rousse.[...]
Léon Valade (1841-1884), poète bordelais, a dû faire partie des premières personnes que Germain Nouveau a rencontrées à Paris. Dans cette lettre, Germain Nouveau relate son séjour à Marlotte, endroit prisé par les peintres impressionnistes à proximité de la forêt de Fontainebleau : « on man-ange, on dort, on se promène, on fume, on s’abêtit, tout doucement, lentement, sans s’en apercevoir […]. Soûl ? direz-vous, pourquoi ? Dam ! avec Nana, il est difficile, tant cette fille aime la noce, de se coucher avec toute sa raison ».
Nous vous perdons, malgré nos deux mains maternelles,Mais vous n’emportez pas, pour vos futurs exils,L’orgueil d’avoir éteint nos fécondes prunellesEt bu notre âme humide aux pointes de nos cils.
Rêve claustral, Les Hôtesses et Saintes Femmes forment un triptyque : après la femme cloîtrée aux effusions mystiques de Rêve claustral et la charnelle mère-épouse des Hôtesses, Saintes Femmes présente une troisième incarnation de la femme éternelle : la prostituée.
Elle veille, en sa chaise étroite ;Quelque roi d’Égypte a sculptéDans l’extase et la gravitéLa corps droit et la tête droite.Moitié coiffe et moitié bandeau,Fond pur à des lignes vermeilles,Un pan corne autour des oreilles.Sa robe est la prison du Beau.[…]Et le menton rit, tel qu’un fruit.Et la joue est une colline.Quant à l’aile de la narineC’est l’ibis envolé sans bruit.[…]
Musée des Antiques paraît en août 1876 dans La République des lettres, revue dans laquelle sont publiés notamment Mallarmé, Huysmans, Maupassant et Zola (L’Assommoir). Faut-il y voir un exercice dans le style parnassien en écho à Charles Cros ou à Baudelaire ? (Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre - La Beauté, in Les Fleurs du Mal, 1857).
Un rien sait occuper les bellesUn rien les fâche ou les ravitEt pour nous faire oublier d’ellesHélas parfois un rien suffitSur un rien leur bonheur reposeDes bagatelles font leur BienLeur vie entière se composeDe rien[…]Un rien fait rougir l’innocenceUn rien nous charme nous séduit,Un rien fait naître l’espéranceComme un rien aussi la détruitUn rien nous trouble, nous abuse,Et voltigeant du mal au bienL’homme tremble, souffre et s’amuseD’un rien
Le ton de ce poème peut faire penser aux chansons populaires prisées par Nouveau.
- Et parmi la vapeur roseDe la nuit délicieuseMonte cette blonde choseLa lune silencieuse.
Le sonnet Un peu de musique est publié dans La Renaissance littéraire et artistique du 24 mai 1873. Le manuscrit original n’est pas localisé.
Voir le fascicule numérisé intégralement (Bibliothèque nationale de France) :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/b...
Le manuscrit de ce poème, aujourd’hui non localisé, a été envoyé par Germain Nouveau à Paul Verlaine en octobre 1875, sous le titre Toto (l’envoi contenait deux autres poésies : Mendiants et Dompteuse). Il pourrait s’agir d’une parodie de La Fête chez Thérèse (Les contemplations, 1856) de Victor Hugo – Toto était le petit nom donné à Victor Hugo par sa maîtresse Juliette Drouet.
Ce poème évoque, à travers le destin d’une Parisienne, Cadenette, la déportation des communards en Nouvelle-Calédonie. Il est publié au moment où se discute au Sénat et devant la Chambre des députés un projet de loi relatif à leur amnistie, réclamée depuis des années par Victor Hugo, entre autres.