© H. Lewandowski
Paul Verlaine
(Metz, 1844 – Paris , 1896)
Les relations entre Paul Verlaine et Germain Nouveau sont notamment connues grâce aux nombreuses lettres émaillées de dessins qu’ils ont échangées, et dont une partie seulement a été conservée.
Quand ils se rencontrent pour la première fois, à Londres, en 1875, Verlaine est sorti depuis quelques mois de prison - où il a séjourné pour avoir tiré au revolver sur Rimbaud- et s’est converti au catholicisme.
En 1877, Nouveau rejoint Verlaine à Arras et se rend avec lui à Amettes pour visiter la maison de saint Benoît Labre, pèlerin mendiant. Il en gardera une forte impression et l’image du saint orientera la fin de sa vie, tournée vers une foi ascétique.
Paul Verlaine, qui ne connaît pas encore Germain Nouveau, écrit à son ami Ernest Delahaye : « Il paraît que c’est le plus petit des bipèdes » (Nouveau mesurait un mètre cinquante-sept).
Voir l’exemplaire numérisé intégralement (Bibliothèque municipale de Metz) :
https://galeries.limedia.fr/ark:/79...
Lors d’un second voyage dans le Nord de la France, en 1880, Nouveau peint une reproduction du Christ de l’église Saint-Géry d’Arras, qu’il offre à Verlaine. Ce dernier aurait conservé ce tableau au-dessus de son lit jusqu’à sa mort. Le Christ de Saint-Géry lui inspire le poème Un crucifix (recueil Amour), qu’il dédie à Germain Nouveau.
Germain Nouveau mentionne ici les préparatifs d’un voyage à Boston, où il doit décorer la chapelle du père Sabela, ami de Verlaine, mais ce voyage semble ne jamais avoir eu lieu.
Il évoque également sa sœur Laurence, lui trouvant une légère ressemblance avec Verlaine qui avait « des yeux comme ça » (suit un petit croquis).
Ce dessin représente une scène cocasse au café, où l’un des trois amis (Germain Nouveau ?) va devoir payer l’addition (Verlaine est représenté avec canne et chapeau : « Moi / je me tire ! »).
Ce dessin semble avoir été envoyé par Germain Nouveau à Ernest Delahaye (« Écris, mais surtout viens ! »), alors qu’il se trouvait à Juniville (Ardennes) en compagnie de Verlaine et Lucien Létinois, avec manifestement un fort mal de dents, comme en témoigne l’inscription : « Mal aux dents / plombées / par Simon Elie / (dix-huit francs) / Douleur garantie ».
Deux feuillets recto-verso avec les dessins : Re-villégiature, Départ pour Marseille, Les Îles [Frioul] et Le Port-vieux
« J’arrivai avant-hier de Marseille, et tombé en pleine fête de Pays ; je commence à peine à être capable de tenir une plume ! […] Attendez, voulez-vous, demain ; ou dans quelques jours, tenez, si vous voulez, nous reprendrons discussions, sujets essentiels, et projets. Définitivement, je suis plus pauvre en idées aujourd’hui que je ne saurais dire ; voici la cause : chaleur torrentielle !! […] je continue ma lettre, en dessins, pour cette fois. »
Dessin au verso d’une lettre à Paul Verlaine Paris
Ce dessin illustre un poème du même nom (Paysage nègre) inséré dans la lettre à Verlaine au recto. Ce poème énigmatique est certainement une plaisanterie entre les deux amis. Eux seuls en détiennent les clés : peut-être une chanson créole inventée par Richepin, le musicien Auber et le poète anglais Edgar Allan Poe, ou encore le lac d’Auber, qui se trouve au pied du Pic Néouvielle (pseudonyme utilisé par Germain Nouveau) dans les Pyrénées ?
Il pleut, que la mern’a pas autant d’eauque ce triste hiver !Et pas un bateausur le lac d’Auber,où – pleurez, roseau ! -le zéphir ameremporte un chapeau ![...]
Publiée entre 1882 et 1897, la revue Le Chat noir a pour collaborateurs les chansonniers et poètes qui se produisent dans le célèbre cabaret du même nom à Montmartre. Elle incarne l’esprit « fin de siècle ».
Dans ce poème dédié à Germain Nouveau, Verlaine évoque leur rencontre à la gare de King’s Cross à Londres, le 14 ou 15 mai 1875 :
Ce fut à Londres, ville où l’Anglaise domine,Que nous nous sommes vus pour la première fois,Et, dans King’s Cross mêlant ferrailles, pas et voix,Reconnus dès l’abord sur notre bonne mine.
et l’amitié qui s’ensuivit :
- Et de boire sans soif à l’amitié future !Notre toast a tenu sa promesse.
Première partie de la lettre reliée dans un recueil de lettres et poèmes adressées à Verlaine
Seconde partie de la lettre avec les dessins Retour à Paris au verso
Germain Nouveau cite un passage de la pièce de théâtre Le Moine bleu, projet de la femme de lettres Nina de Villard auquel il collabore. Il écrit également : « Quant au Parnasse, milieu détestable et d’écœurance générale. Je m’arrangerai à l’avenir de façon à n’avoir plus aucun rapport avec “eusse”, inutile de me remettre ami avec Mérat [poète parnassien]. Le plus grand désir actuel : arriver à ne plus saluer aucun Blémont [directeur de la revue La Renaissance littéraire et artistique dans laquelle Nouveau avait publié plusieurs poèmes], d’aucune poésie et d’aucun républicanisme ».
Deuxième Partie : bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, 7113 (9)
Dans le recueil Amour, composé de documents autographes et d’épreuves
Ce portrait qui n’est pas ressemblantQui fait roux tes cheveux noirs plutôt,Qui fait rose ton teint brun plutôt,Ce pastel, comme il est ressemblant !Car il peint la beauté de ton âme,[...]
Ce poème de Verlaine, intégré au recueil Amour, évoque un portrait de Lucien Létinois (1860-1883), compagnon de Paul Verlaine, réalisé par Nouveau en 1880. Il semble avoir disparu et aucune reproduction n’en est connue. Ernest Delahaye en a donné une description : « il avait imposé à Lucien Létinois, jeune homme aussi châtain que lui-même, une chevelure blond vénitien, avec le nez de François 1er – par la seule raison que cette forme de nez plaisait à lui, Nouveau, – et puis un teint non bruni comme il arrive aux grands garçons vivant à la campagne, mais pareil à cette nacre rose des petites princesses dodues, coiffées d’or et de feu, que peignit Vélasquez ».
Voir le manuscrit numérisé intégralement : (Bibliothèque nationale de France) :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/b...