L’internement à Bicêtre
(1891)
« J’ai le regret de vous informer que Monsieur Nouveau, professeur de dessin, a donné hier matin des signes manifestes d’aliénation mentale. Il s’est déchaussé en plein cours devant ses élèves , mettant sa canne en travers de sa bouche », lettre du vice-recteur du lycée parisien Janson de Sailly au ministre de l’Instruction publique le 15 mai 1891.
Germain Nouveau est enfermé durant cinq mois à l’asile de Bicêtre. Il y écrit le poème Aux Saints. Il sera libéré grâce à l’intervention d’amis de sa sœur Laurence.
La nature de cette « crise » est incertaine. L’abus d’alcool est évoqué par sa famille, bien qu’il ne soit pas mentionné par les médecins qui l’ont examiné et qui décèlent une « dépression mélancolique » avec « idées mystiques ».
A-t-il eu un épisode de folie, ou cette crise a-t-elle été une manière explosive de se sortir d’une situation professionnelle pesante, eu égard à l’instabilité dont il a toujours fait preuve ? Toujours est-il que le déchirement entre la tentation du monde et de ses plaisirs et l’appel de la religion semble s’estomper, au profit de ce dernier.
Si, les yeux remplis de beaux songes,Nous demandions, quand vient le jour,Au ciel qui voit tous nos mensongesL’humble foi du pêcheur d’éponges,Je ne serais pas dans la cour.Et quand la lampe s’est éteinte,Si nous sentions sur nos lits noirsLa caresse d’une aile sainte,Attendant que l’Angélus tinte,Je ne serais pas au dortoir.(Aux Saints)
« Matricule : 7535,
Nom : Nouveau, Germain, Bernard, Marie, 39 ans.- . - Professeur de dessin -,
Date de l’entrée : 15 mai 1891,
Renseignements antérieurs à l’admission du malade : 14 mai 1891 - Délire mélancolique ; stupeur, hallucinations de l’ouïe, génuflexions, extravagances sur la voie publique. Idées mystiques : récit continu de prières, fait par terre des signes de croix avec sa langue. »
« Depuis 3 ou 4 mois, votre pauvre frère s’était tenu éloigné de tous ses amis […]. Il changeait d’adresses sans raison apparente depuis longtemps déjà, et la dernière fois que je l’ai vu, (pour lui proposer, de la part du Ministère de l’Instruction publique, un emploi en Algérie qui nous paraissait plus avantageux pour lui, dans la situation précaire où il était à Paris), j’avais été frappé de son mutisme. »
Léon Dierx explique encore que, se rendant au dernier domicile de Nouveau, il constate que la chambre est vide, « sauf une malle absolument vide aussi, sans aucun vêtements ni papiers. Qu’a [-t-il fait] de ce qu’il possédait autrefois en meubles, livres, vêtements, lettres ou manuscrits ? ».
Je ferai Quatre-Temps, Vigiles,Tout le Carême en sa rigueur ;Comme un chrétien des Évangiles,J’enchaînerai mes yeux agiles,Ne levant au Ciel que mon coeur.Je m’infligerai des supplicesAvec ma corde au nœud serré,Ma discipline et mes cilices ;Je dois faire aussi mes délicesDes rires que j’exciterai.
Ce texte, publié par l’éditeur Albert Messein en 1935 ou 1936, a été rédigé, ou du moins recopié, par Germain Nouveau en 1903. Cette édition ne prend pas en compte la version retravaillée par Nouveau dans Le Calepin du mendiant : il envisagera en effet de publier le Maron en 1918.
Le texte, qui n’a aucun lien avec Virgile, contrairement à ce qu’annonce son titre, évoque des souvenirs de son internement à Bicêtre. Il y dénonce le médecin-chef Diafoirus :
Mais sur nos libertés il pousse les verroux-- Pour nous mieux prodiguer tous ses soins les plus doux.