« Perpétueux voyages »

Germain Nouveau arpente les routes tout au long de sa vie, bien souvent à pied : il se rend à Bruxelles, à Londres, puis en Espagne, en Italie, en Algérie et au Proche-Orient (Liban, Jérusalem, Alexandrie).
En 1893, il est à Alger, à la recherche d’un climat pouvant soulager ses rhumatismes. C’est de là qu’il envoie la lettre dite « lettre fantôme » à Arthur Rimbaud qu’il croit toujours à Aden (actuel Yémen), alors que celui-ci est mort deux ans auparavant. Il lui fait part de son souhait d’ouvrir à Aden « une modeste boutique de peintre décorateur ».
En 1908, il parcourt l’Italie en faisant le portrait pour vivre. Ce voyage est entièrement consacré à la peinture. Il envisage même d’en faire son métier à son retour en Provence.

Lettre à Laurence Nouveau
Germain Nouveau
Londres, 18 janvier 1892

Sorti de Bicêtre et arrivé à Londres après un passage par Bruxelles, Nouveau fait part à sa sœur de plusieurs projets : faire publier son « manuscrit » (La Doctrine de l’amour) par Léon Vanier, écrire un ouvrage en prose intitulé Religious Life, ainsi qu’un « tout petit traité de dessin et de peinture pour [sa nièce] Marie-Louise ». Il incite sa sœur à mettre ses filles au piano, à la harpe et au violon : « Rien n’est aussi près de la religion que la musique ».

Musée Granet, Aix-en-Provence, fonds d’archives, don de Marie-Louise Hart de Keating en 1961
Lettre à Germain Nouveau
Laurence Nouveau (1855-1905)
Rousset, 13 juin 1892

Laurence lui écrit à Milan et Bologne, ignorant qu’il marche vers Rome. « Je voudrais que tu trouves là ce que tu y es venu chercher : la réalisation de ton désir, la paix, le repos, la vérité, tout enfin ce que tu désires ».

Bibliothèque Méjanes, Aix-en- Provence, NOU 10
Lettre à Ernest Delahaye
Germain Nouveau
Marseille, 30 août 1893

Germain Nouveau se plaint auprès d’Ernest Delahaye de ses rhumatismes qui l’inquiètent : « Je crains d’y perdre ma situation de professeur de dessin ». La lettre est agrémentée de dessins humoristiques : « Livre de médecine page 59 – le rhumatisant doit éviter de boire, de manger, de fumer, etc. moyennant quoi il se portera bien ».

Collection particulière
Lettre à Arthur Rimbaud, dite « lettre fantôme »
Germain Nouveau
Alger, 12 décembre 1893

Germain Nouveau adresse cette lettre à Arthur Rimbaud, qu’il croit à Aden. Or Rimbaud est mort deux ans plus tôt, ce que Nouveau ignore (il est alors tout juste sorti de Bicêtre et se trouve à Bruxelles). « Je suis à Alger, en qualité de professeur de dessin en congé, avec un étique traitement, et en train de soigner (mal) mes rhumatismes ». Nouveau dit qu’il est sans nouvelle de Verlaine et Delahaye « depuis bientôt deux ans » et fait part à Rimbaud de son projet d’ouvrir à Aden « une modeste boutique de peintre décorateur ». Il conclut par « Ton vieux copain d’antan bien cordial », et ajoute en post-scriptum : « Je suis en train d’apprendre l’arabe, sais l’anglais, et l’italien ; ne peut qu’être utile à Aden ».

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, Ms 7199 (54) / Crédit photographique : Suzanne Nagy
Lettre à Ernest Delahaye
Germain Nouveau
[Saint-Ouen], 4 juin 1906

« […] vu la distance, mon habitude d’aller à pied, mon manque d’horloge, la variation des horloges, etc…. Prière de ne me point attendre dimanche pour vous mettre à table à votre heure ordinaire. »

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, Ms 27385 / Crédit photographique : Suzanne Nagy
Lettre à son cousin Léopold Silvy
Germain Nouveau
[Rome], 20 juin 1908

« [...] Ce qui ne m’empêche pas de commencer la nature morte de l’ours, du flacon et du timbre. Si je la réussis, je vous rendrai ces trois objets en peinture ! Car autrement je ne m’en déferai point ; ce sont petits souvenirs qui nous rendent plus chères les heures passées. »

Musée Granet, Aix-en-Provence, fonds d’archives, don de Marie-Louise Hart de Keating en 1961
Lettre à son cousin Léopold Silvy
Germain Nouveau
Naples, 18 novembre 1908

Germain Nouveau relate à son cousin son voyage en Italie. Il y « fait le portrait », se perd, « ayant oublié [sa] petite carte d’Italie » et découvre ainsi Orvieto, « un bijou artistique ».

Bibliothèque royale de Belgique, Manuscrits, FS XXXVI 136 / Donation baron Ludo Van Bogaert
Lettre à son cousin Léopold Silvy
Germain Nouveau
Naples, 1er décembre 1908
Reliée dans Poésies d’Humilis, A.

Germain Nouveau expose à son cousin Silvy ses techniques de portraitiste par lesquelles il espère vivre : « Tu me dis d’augmenter mes prix, pour me mettre bientôt à même d’aller tenter plus près de notre cher ruisseau du Var la fortune du portrait. ». Il explique sa méthode, c’est-à-dire présenter des « spécimens au grand complet : 1. Portrait peint à l’huile (profil). 2. Portrait à l’estompe, genre photographie, de face ou de trois quarts. 3. De face et de profil (petit format). 4. De profil (plus petit format). 5. Caricatures. 6. Silhouettes. 7. À quoi j’ajoute (mais j’espère n’avoir jamais à en user) le portrait de mémoire, avec quête dans l’honorable société ! ».

Bibliothèque royale de Belgique, Manuscrits, FS XXXV 1.164 A (RP) / Donation baron Ludo Van Bogaert
L’Ours, le flacon et le timbre
Germain Nouveau
Huile sur carton ?, 10 janvier 1909
10,8 x 8,8 cm

Il s’agit peut-être du tableau évoqué plus haut dans la lettre à son cousin (20 juin 1908). Germain Nouveau l’a offert au fils de son cousin, René Silvy. Au dos du tableau figure le texte suivant :

Étrenne (épigramme dans le goût de Martial)
Pour être de bois et pour être une ébauche
(Dont je suis bien fâché)
[L’]ours qu’on voit icy peint est deux fois mal léché
Reçois le de ma main soit elle adroite ou gauche
à René Silvy 10 janvier 1909 son petit oncle
Bernard La G.
Collection particulière
Lettre à Ernest Delahaye
Germain Nouveau
Alger, 14 octobre 1909

Germain Nouveau joint sa demande de secours financier au Ministère.
Le « Pacte social, pour parler le langage actuel, […] oh ! de combien de besoins ne nous a-t-il pas encombrés, comme celui de faire empeser un faux-col, acheter des souliers, des chaussettes, des caleçons, deux douzaines de chemises, deux pantalons de fantaisie, avec veston, et casquette ; et trois pantalons habillés avec jaquette et chapeaux ronds ; trois gilets de luxe, deux de soirée, redingote, chapeau de haute forme, costume de chasse, costumes de chauffeur, de cycliste, de touriste, etc ».

Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris, Ms 27385 / Crédit photographique : Suzanne Nagy